dimanche 5 octobre 2014

Au bout du bout du monde … Saint-Paul

Dimanche 16 mars / 14h00 / La cale d’Amsterdam.

Je suis là, sur la cale, sous une légère brise et un soleil rayonnant. La mer n’est pas trop démontée pour une fois, l’Austral est mouillé juste devant. Un zodiak est affrété pour venir me récupérer avec cinq autres hivernants. Je vais passer dix jours dans un endroit assez particulier situé à 80 bornes dans le sud d’Amsterdam. Je crois ne jamais avoir autant frissonné d’impatience. 

l'Austral

l'équipe

pas gagné
Par 77°E et 37°S, invisible sur la majorité des cartes du monde, ce minuscule rocher,  répondant au doux nom familier de Saint-Paul, émerge dans l’immensité de l’Indien. Etrange et mystérieuse à la fois, cette île du bout du monde, malgré sa petitesse, en fait rêver plus d’un d’y séjourner. La douce rudesse que semble inspirer son sol ne demande qu’à être foulé, exploré d’Hutchison à Schmith … par La Novara ... Aah tous ces noms que l’on lit sur la carte, ils nous font rêver !

C’est en fait la partie émergée d’un volcan aujourd’hui éteint avec, comme principal attrait paysagé marquant, son cratère central. L’effondrement de son flanc est forme une très mince passe de deux à trois mètres de profondeur qui constitue le seul accostement possible sur l’île. Tout autour, à l’instar d’Amsterdam, ce n’est que falaises rocheuses inaccessibles, surpeuplées d’otaries. 

l'île est devant nous au réveil

Saint Paul

Ce bout de caillou m’a accueilli moi et cinq autres personnes durant dix jours – seulement dix jours. Le programme de recherche pour lequel je suis en charge demande à ce qu’une évaluation écologique de l’île soit réalisée chaque année, en fonction, bien sûr, des moyens techniques d’acheminements et de rapatriements en cas d’urgence. Nous avons eu la chance d’avoir été déposés par le navire de pêche l’«Austral » pendant sa marée et récupérés par le ravitailleur extrême le « Marion Dufresne » lors de sa rotation des îles australes de fin d’été.

Riche de tragiques histoires passées, Saint-Paul est aujourd’hui comme indomptable, inapropriable, tellement mythique qu’on la qualifie facilement de légende. L’argent qui pouvait être engrangé par la pêche à la langouste a tellement attirée les foules que les vies d’hommes, de femmes et même d’un enfant ont été emportées. Je vous conseille de feuilleter le très bon livre des « Oubliés de Saint-Paul ». Les croix du cimetière, les ruines des anciennes battissent, les pierres gravées … tout s’est passé là, sous mes pieds.

Vestiges d'une exploitation passée
Bon, je ne fus pas envoyé ici en tant qu’historien mais bien en tant qu’ornithologue en charge de l’évaluation écologique de l’île suite à l’éradication d’espèces introduites telles que les chats et les rats. Ces derniers ont eu un impact tel que les populations d’oiseaux en pâtissent dangereusement. Citons le cas du Prion de Saint-Paul, endémique de l’île, qui a vu ses derniers couples se réfugier tant bien que mal sur ce petit bout de caillou situé à quelques dizaines de mètres du cratère, inaccessible aux félins et rongeurs ; la Roche Quille. 

Dernier bastion d'une espèce quasiment éteinte

Depuis le début des années 2000, les choses ont bien changé fort heureusement. La nature ici a repris ses droits malgré nos dérapages passés. Les oiseaux par centaines repeuplent de façon encourageante l’ensemble de l’île. Ce fut une chance inouïe et un plaisir intense de pouvoir capturer et biométrer sans peine pétrels, puffin, océanites, prions ou encore d’observer quotidiennement fou, gorfou et albatros. Les chants de ces petites merveilles nous berçaient chaque soir au crépuscule et nous réveillaient chaque matin aux aurores. La météo n’a pas toujours été avec nous et nos vêtements de pluie étaient de rigueur la majorité du temps. Le four à gaz nous réchauffait tant bien que mal le soir et nous essayions de mijoter quelques plats nourrissants à la lueur des bougies ou parfois avec la vraie lumière ! La vie fut belle, simple, agréable… mais faut bien admettre que nous n’avons pas notre place ici. Laisser derrière nous ce caillou fut riche en émotions mais savoir que la nature y reprend doucement ses droits nous consoles et nous rassures qu’il existe encore de tels endroits sur Terre. 10 jours sur cette île hors du commun qui plus est passés avec une équipe géniale, m’ont offert des moments qui resteront, pour sûr inoubliables, mais malheureusement si difficiles à partager …


Bel endroit pour bosser

Content d'être là

Pétrel noir attiré par nos frontales ...

LE coin à prions

Prions en main ... autant dire que je ne me sens plus pi....

Pétrel noir, encore et toujours ... que du bonheur

Robocop était avec nous aussi

Les Quatre collines

Manipeur de l'extrême

Dernier cadrage avant de partir

Cette manipe aura laissée des traces

Des souvenirs impérissables

Peut-être à un de ces jours ...

Retour à la maison !

Parlons peu mais parlons pup’s !

Parlons peu mais parlons pup’s ! Il le fallait bien, un jour ou l’autre, que je vous présente mes petits protégés avec qui je partage mon hivernage. Ces petites boules de poils à qui je rends visite chaque jour où presque, ils sont mon quotidien. Certains tentent de me charger mais se rende vite compte que quoiqu’il arrive, ce n’est pas eux qui vont gagner la médaille. Bon par contre, je fais dans ma culotte devant leur fou furieux de père, mais faut pas leur dire tout de suite aux ptios’. Quand l’un se contente de grogner sans bouger, son copain du jour s’affolent dans tous les sens et s’égosille à en perde la voix – pourtant je ne fais que passer, bien sagement -.

Ah ces fameux pup’s de la MAE … je la refais … Ah ces fameux petits d’otaries de la Mare aux Eléphants, ridiculement petits mais sauvagement enragés pour certains. Qu’est-ce qu’on les aiment ici.

les voilà les monstres

curieux, ils te surveillent toujours d'un oeil

La Mare aux Eléphants c’est le nom donné au lieu qui nous sert de colonie d’étude sur ces mammifères. Du suivi de croissance des jeunes à la recherche alimentaire des mères ou encore de l’estimation de la population à l’évaluation démographique, diverses études concernant ce mammifère marin s’étalent tout au long de mon hivernage. En gros, çà consiste dans la majorité du temps à baguer à la fois des pups et des adultes, à peser/mesurer ces deux générations à des dates précises, à prélever du sang, à poser des équipements capables de mesurer la profondeur de plongée, la température de l’eau, les spectres de lumière, la localisation, etc. etc. C’est à ces effets que je passe boooooooocoup de temps à sauter entre les rochers glissants de la MAE, tentant d’éviter quelques morsures au passage. Ce fut un peu à reculons qui j’y allais les premiers jours car elles sont très agressives et intimident énormément. Se faire mordre, et donc choper des vieilles saloperies infectieuses, çà peut arriver … tous les jours ! Jusqu’ici nada, touchons ce qu’il faut toucher… voilà c’est fait … !

le pied bancal le premier jour

quelques jours après, un peu mieux

difficile de croire qu'ils peuvent te bouffer les doigts

certains peuvent peser jusqu'à 25 kilos, lui ... il en fait 12

pas l'air content de se faire prendre en photo c'ui-ci
Les ornithos d’Amsterdam sont plus mammologue qu’autre chose et c’est de chouettes moments que je vis au cœur de la colonie, au coeur de la vie sauvage. Mais rassurez-vous les meks, j’ai la plupart du temps les yeux levés au ciel …

au coeur de la colonie, privilégié

hmmmmm

lecture de bague

tchao